Le dépistage du cancer de la prostate en question
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Est-il recommandé de faire un dépistage systématique du cancer de la prostate par dosage du PSA aux hommes ?
NON. Les deux études majeures sur le dépistage du cancer de la prostate, l’étude européenne ERSPC et l’étude américaine PLCO, critiquées au regard de leur qualité inégale et de biais méthodologiques, ne permettent pas de conclure sur les bénéfices du dosage du PSA, ni sur l’impact d’un dépistage ponctuel ou régulier sur la mortalité. Par ailleurs, les évaluations et recommandations des agences d’évaluation et des autorités sanitaires, publiées en France et au niveau international, sont, depuis plusieurs années, concordantes et considèrent qu’en l’état actuel des connaissances, il n’y a pas lieu de mettre en place de programme de dépistage systématique du cancer de la prostate par dosage du PSA (et/ou toucher rectal) ni de recommander cette pratique. Elles concluent également qu’une information éclairée du patient, sur l’ensemble de la démarche de dépistage et ses conséquences, par le médecin, est nécessaire avant qu’un homme ne décide ou non de faire un dosage.
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Est-il recommandé de dépister les hommes à risque ou à haut risque de cancer de la prostate ?
NON. Il n’a pas été retrouvé d’éléments scientifiques permettant de justifier un dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA dans des populations masculines considérées comme plus à risque de ce cancer. D’une façon générale, l'origine multifactorielle de ce cancer rend difficile l'évaluation de la part des différents facteurs de risque dans son développement. Dans ce cadre, la présence de facteurs de risques individuels ne justifie pas la mise en place d’une démarche de dépistage.
Malgré les inconvénients de ce dépistage et les incertitudes sur les bénéfices, certains hommes peuvent considérer, en lien avec leur médecin, qu’un dépistage du cancer de la prostate est envisageable. Les autorités de santé ont rappelé l’importance de l’information à apporter aux hommes envisageant la réalisation de ce dépistage. Les positions récentes des agences d’évaluations étrangères vont dans le même sens. -
Pourtant la prescription du dosage de PSA n’a cessé d’augmenter ces dernières années ?
OUI. Les deux tiers des médecins généralistes déclarent recommander systématiquement un dépistage du cancer de la prostate à leurs patients âgés de 50 à 75 ans. Les données du régime général de l’Assurance maladie indiquent même que les trois quarts des hommes âgés de 50 à 69 ans ont réalisé au moins un dosage de PSA au cours des 3 dernières années.
L’analyse de la pratique des médecins généralistes montre qu’ils sont partagés entre les recommandations contradictoires des institutions de santé et de plusieurs sociétés savantes. Ils sont, par ailleurs, parfois confrontés à une demande appuyée des patients puisqu’un homme de plus de 60 ans sur cinq est à l’initiative de son dépistage du cancer de la prostate. Les médecins généralistes sont donc plutôt enclins à proposer ou à prescrire à leur patientèle masculine un dosage de PSA. Ce dosage est perçu comme une option de bon sens (si tant est que cela était démontré), une solution accessible et acceptable pour le patient et sans consommation excessive de temps pour le médecin, dans la mesure où il est prescrit sans information objective voire sans explication, dans le cadre d’un bilan sanguin systématique ou standard.Pour rappel, l’antigène spécifique de prostate ou PSA (Prostate Specific Antigen) est une protéine produite de façon naturelle par les cellules épithéliales de la glande prostatique (quasi-exclusivement) et en faible quantité par les cellules épithéliales des glandes péri-urétrales. Le PSA est normalement présent dans le sérum des hommes à une faible concentration. Une prise de sang permet la mesure du taux de PSA sécrété par la prostate. Cette prise de sang faite en laboratoire pour le dosage de PSA est réalisée après prescription médicale et surtout information du patient.
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Que savoir sur le dosage du PSA sérique total ?
Le dosage du PSA sérique total peut être proposé aux hommes de manière individuelle sur la base de facteurs de risque personnels (âge, antécédents familiaux par exemple). Néanmoins, l’augmentation du nombre de prescriptions montre qu’il ne s’agit pas d’une démarche de dépistage « individuelle » au cas par cas mais d’une pratique quasi-généralisée malgré les recommandations des autorités de santé.
Son rythme optimal de réalisation et sa valeur seuil de normalité du dosage (4 ng/ml) restent en discussion.
Son usage a une performance médiocre et génère des biopsies prostatiques inutiles. Parmi les hommes qui ont un PSA total > 4 ng/ml, 7 sur 10 n’ont pas de cancer.
Le test peut être faussement négatif et rassurer à tort celui qui le fait. Parmi les hommes qui ont un PSA total <4 ng/ml, 1 homme sur 10 a un cancer et 9 sur 10 n’en n’ont pas.
Il peut détecter différents types de cancers sans les discriminer comme des cancers d’évolution lente (cancer dit indolent) ou des cancers considérés comme cliniquement non significatifs (de petit volume et de faible grade) ou bien des formes tardives pour lesquelles aucun traitement ne serait mis en œuvre.
Les dosages dérivés du PSA ont également été explorés mais aucun n’est recommandé pour le dépistage.
L’association du dosage du PSA avec le toucher rectal (TR) est la plus performante. Le toucher rectal permet de détecter des cancers de la zone périphérique et, en cas d’induration suspecte, les biopsies prostatiques sont recommandées quelle que soit la valeur du PSA. L’absence d’anomalie détectée au toucher rectal n’élimine pas la présence d’un cancer.
Et les autres formes de PSA ?
L’utilisation du PSA libre n’est pas recommandée en 1ère intention comme examen de dépistage. Par ailleurs, il n’a pas été retrouvé de preuves que les techniques dérivées du dosage du PSA sérique (PSA ajusté sur l’âge, densité du PSA et vélocité du PSA) aient un intérêt pour le dépistage du cancer de la prostate.
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Quelles sont les raisons qui peuvent conduire à une élévation du PSA ?
Même s’il existe un lien entre augmentation du taux de PSA et risque de cancer de la prostate, celle-ci n’est pas spécifique du cancer de la prostate. Une augmentation modérée peut intervenir après éjaculation, un toucher rectal, ou bien un évènement physique intense.
Une élévation importante est observée après une infection urinaire, une prostatite aigüe (attendre 2 mois après guérison de l’infection avant de doser le PSA), la pratique assidue de la bicyclette (massage prostatique par la position sur la selle), une rétention aigüe d’urines, une cystoscopie, un sondage vésical, une échographie endorectale, une biopsie de la prostate ou une résection endoscopique de la prostate. Les inhibiteurs de la 5-alpha-réductase utilisés pour le traitement des dysfonctionnements mictionnels liés à l’hypertrophie bénigne de la prostate réduisent de moitié la valeur du PSA après 6 mois de traitement.
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Qu’est-ce qu’une biopsie ? Est-ce douloureux ?
La biopsie prostatique est le plus souvent pratiquée en ambulatoire, sous antibioprophylaxie et sous anesthésie locale. Sous contrôle échographique, plusieurs échantillons de tissu prostatique sont prélevés à l’aiguille, dans différentes zones de la prostate (généralement au moins 10 à 12 prélèvements sont pratiqués). Elle permet d’infirmer ou de confirmer le diagnostic suite à l’examen anatomopathologique.
C’est un examen qui peut être douloureux et qui peut parfois provoquer des saignements (dans les urines, le sperme ou le rectum) et plus rarement des infections ou une inflammation. Le taux de complications infectieuses sévères et des rétentions aigües d’urines rapportées après biopsies prostatiques est < 5 %.
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Si la biopsie est normale, peut-on quand même avoir un cancer de la prostate ?
OUI. Des biopsies négatives n’écartent pas totalement le diagnostic de cancer de la prostate, et ne permettent pas d’éliminer la survenue ultérieure de cette maladie. Cependant, si les éléments cliniques ou biologiques continuent d’indiquer un risque de cancer de la prostate, les biopsies peuvent être refaites. Si le dosage du PSA est resté anormal alors que la biopsie est négative, le risque qu’une nouvelle biopsie soit positive et qu’on détecte un cancer de la prostate est au maximum de 1 sur 4.
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En cas de diagnostic d’un cancer de la prostate, quels sont les examens complémentaires possibles ?
Le diagnostic du cancer s’apprécie essentiellement sur les données de l’examen clinique de la prostate, sur la valeur du PSA et sur les résultats des biopsies prostatiques. Quelques examens peu nombreux sont cependant nécessaires pour compléter le diagnostic et peuvent être proposés. L’indication d’une imagerie et le cas échéant le choix des examens peuvent être utiles pour le bilan d’extension et sont définis par l’équipe de soins spécialisée. Le bilan de l’extension locorégionale et à distance peut comprendre un scanner tomodensitométrique (TDM) ou l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) abdomino-pelvienne avec injection et une scintigraphie du corps entier le cas échéant. Cet examen permet de vérifier l’absence de métastase osseuse (stade de développement).
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On parle souvent de surdiagnostic dans le cas des dépistages. Est-ce le cas pour le cancer de la prostate ?
OUI. Le surdiagnostic est inhérent à la démarche de dépistage. Pour le cancer de la prostate, il peut varier de 30 à 50% selon la littérature. Le surdiagnostic correspond à la détection de lésions cancéreuses, bien réelles et confirmées histologiquement, mais qui n’auraient pas été diagnostiquées sans le dépistage et n’auraient donc pas eu d’impact sur la vie des personnes. Elles n’auraient, par exemple, pas donné de symptôme du vivant de la personne. Les personnes concernées n’auront donc pas tiré de bénéfice du dépistage. En revanche, elles sont à risque de surtraitement (au sens large) et exposées aux effets secondaires et inconvénients potentiels liés à la prise en charge, diagnostique et thérapeutique. Enfin, le surdiagnostic a pour effet néfaste d’étiqueter des hommes a priori en bonne santé en individus malades, de les soumettre à des examens diagnostiques itératifs invasifs (biopsies de la prostate), d’augmenter leur niveau d’anxiété et de les exposer aux complications des traitements. L’étude européenne ERSPC a estimé à 50 % le taux de surdiagnostic alors que ce risque varie selon le seuil utilisé dans l’étude américaine PLCO de 10 % (PSA > 10 ng/ml et TR positif) à 69 % (dosage compris entre 4 ng/ml et TR négatif).
À l’heure actuelle, rien ne permet de distinguer les tumeurs agressives des cancers qui resteront à faible risque évolutif et, qui sont les plus fréquents. La principale difficulté du dépistage du cancer de la prostate réside dans l’évaluation de son bénéfice pour le patient en tenant compte des risques de surdiagnostic et de surtraitement.
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Quelles sont les possibilités thérapeutiques ?
Pour éclairer au mieux le choix du patient, la stratégie thérapeutique se fait à l’issue d’une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), en fonction des caractéristiques du cancer, de l’âge du patient, des préférences du patient (en cas d’alternatives thérapeutiques présentant un rapport bénéfice/risque équivalent) et des éventuelles pathologies associées.
Les différentes modalités de référence sont :
- la chirurgie (« prostatectomie totale ») consiste en l’ablation complète de la prostate associée à celle des vésicules séminales. Il existe différentes voies d’abord : voies ouvertes rétropubienne et périnéale, voies laparoscopique transpéritonéale ou extra-péritonéale, robot-assistée ou pas. Une anastomose entre la vessie et l’urètre est réalisée pour rétablir la filière urinaire. Elle est classiquement réservée aux tumeurs intra-capsulaires de risque faible ou intermédiaire et la limite d’âge habituellement retenue est de 75 ans ;
- la radiothérapie externe, après repérage préalable de la prostate par radiographie, consiste à délivrer des rayonnements ionisants (rayons ou radiations) afin de détruire les cellules cancéreuses. Les faisceaux sont dirigés vers la prostate pour atteindre la tumeur à travers la peau. L’association à des intervalles de récupération des tissus sains (dose fractionnée quotidienne) permet de détruire les cellules cancéreuses en respectant les cellules saines. Le traitement est délivré 5 jours par semaine de façon à atteindre la dose totale curative recherchée (pendant 7 à 8 semaines) ;
- la curiethérapie consiste, grâce à un guidage par échographie réalisée sous anesthésie, à placer des sources radioactives (implants de grains d’iode) à l’intérieur de la prostate. Leur dose de rayonnement décroît très vite au fur et à mesure que l’on s’éloigne de ces implants, limitant les effets secondaires sur les tissus avoisinants (vessie, rectum, canal anal). Elle nécessite une hospitalisation de 2 jours.
Les traitements hormonaux ou médicamenteux (chimiothérapie) peuvent être proposés pour des cancers avec atteintes ganglionnaires et des cancers métastatiques.
L’HIFU (Ultrasons focalisés de Haute Intensité, Ablaterm®) et la cryothérapie sont des techniques en cours d’évaluation.
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Quels sont les effets indésirables des principaux traitements ?
Les conséquences possibles de la prostatectomie totale sont essentiellement l’absence d’éjaculation, les difficultés d’érection et l’incontinence urinaire. Pour la radiothérapie ou la curiethérapie, les effets indésirables les plus fréquents sont les troubles de l’érection, les troubles de la vessie et les troubles digestifs.
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D’autres stratégies dites « de surveillance » pour certains types de cancers sont en cours d’évaluation…
Le cancer de la prostate est une maladie à évolution lente. La surveillance active consiste à ne pas traiter immédiatement un cancer de la prostate cliniquement localisé à (très) faible risque de progression chez des patients ayant une espérance de vie > 10 ans et qui acceptent ce principe. C’est une option thérapeutique qui vise à déplacer le moment du traitement tout en restant dans la fenêtre de curabilité de la maladie. Le suivi évolutif est déterminant pour confirmer le caractère latent du cancer. Elle se différencie de la simple surveillance (ou « watchful waiting ») qui consiste à ne pas traiter le patient jusqu’au moment où apparaissent éventuellement des signes cliniques en rapport avec l’évolution de la maladie. En pratique, cette surveillance pourrait être réservée au patient avec une tumeur localisée, à faible risque ou risque intermédiaire, non agressive chez un patient âgé ou présentant par ailleurs des comorbidités importantes (espérance de vie < à 10 ans).
Que vous proposiez un dosage de PSA à votre patient ou qu’il vous en ait fait la demande, il est primordial que vous échangiez avec lui sur les bénéfices et risques potentiels d’une telle démarche avant qu’il ne prenne sa décision.
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